Thibaut Octave : Bonjour ! Comment tu t’appelles ?
Hi! What’s your name?
Marion : Je m’appelle Marion Pascal.
My name is Marion Pascal.
T.O. : Est-ce que tu peux me raconter ce qu’il t’est arrivée Marion ?
Can you tell me what happened to you Marion?
Marion : Quand je suis née les médecins se sont aperçus que mon oesophage n’était pas relié à mon estomac. C’est une maladie qui arrive parfois à certains nourrissons et il y a de cela quelques mois j‘ai appris que c’était une maladie génétique. Les médecins ont donc dû raccorder mon oesophage à mon estomac, ce qui a créé trois cicatrices principales : une au milieu de mon ventre qui part de ma poitrine jusqu’à mon nombril ; une sur le côté qui était pour la sonde gastrique puisque mon estomac était le principal problème il me fallait une sonde pour pouvoir manger ; et j’en ai une dans le dos qui coupe la moitié de mon dos et je dois avouer que je ne sais pas pourquoi elle est là mais elle fait partie du package.
When I was born the doctors realized that my esophagus was not connected to my stomach. This is a condition that sometimes happens to some infants and a few months ago I learned that it was a genetic condition. So the doctors had to connect my esophagus to my stomach, which created three main scars: one in the middle of my belly that goes from my chest to my belly button; one on my side that was for the stomach tube since my stomach was the main problem I needed a tube to be able to eat; and I have one in my back that cuts through half of my back and I have to admit I don't know why it's there but it's part of the package.
Cette maladie dure à peu près dix ans dans la vie d’une personne. Pendant les dix premières années de ma vie j’ai eu du mal à manger. J’étais très mince. Un, parce que mon estomac était petit donc je n’avais pas forcément faim ; deux, parce que mon oesophage était atrophié, ce qui voulait dire que je ne pouvais pas manger correctement. Jusqu’à mes dix ans j’ai fait beaucoup d’allers retours à l’hôpital car je m’étouffais quand je mangeais de trop gros morceaux.
This disease lasts about ten years in a person's life. For the first ten years of my life I had trouble eating. I was very thin. One, because my stomach was small so I wasn't necessarily hungry; two, because my esophagus was atrophied, which meant I couldn't eat properly. Until I was ten years old I was in and out of the hospital because I would choke when I ate large pieces.
La magie de cette maladie fait qu’à partir de dix ans je n’ai plus eu de problèmes ; l’oesophage avait pris sa forme normale. La seule chose qui reste de cette maladie aujourd’hui ce sont les cicatrices et les problèmes de digestion, mais on peut dire que désormais la maladie est terminée.
The magic of this disease is that from the age of ten I had no more problems; the esophagus had taken its normal shape. The only thing that remains of this disease today are the scars and the problems of digestion, but one can say that now the disease is over.
Finalement, je me suis rendu compte que je ne connais pas mon corps sans les cicatrices. Je ne sais pas ce que c’est d’avoir le ventre plat. Je ne sais pas ce que c’est d’avoir un ventre sans cicatrices. C’est une partie de mon corps que je n’ai jamais montrée. Je ne me mets pas en maillot de bain deux pièces parce que je n’ai pas envie qu’on me pose de question. Par pudeur, même si je n’ai pas honte de mes cicatrices mais ça amène forcément des questions auxquelles je n’ai pas forcément envie de répondre.
Finally, I realized that I don't know my body without the scars. I don't know what it's like to have a flat stomach. I don't know what it's like to have a stomach without scars. It's a part of my body that I've never shown. I don't wear a two-piece bathing suit because I don't want to be asked about it. Out of modesty, even if I am not ashamed of my scars, but it inevitably leads to questions that I don't necessarily want to answer.
T.O. : Tu m’avais parlé d’une anecdote aussi.
You told me an anecdote too.
Marion : Oui. Ça vient de ce que je te disais tout à l’heure quand je m’étouffais car mon oesophage était trop petit et que je devais aller à l’hôpital. Je devais avoir 8/9 ans. Là, le bout de viande était coincé et trop profondément entré pour pouvoir l’enlever manuellement. Il fallait donc prendre une sonde pour aller le chercher, ce qui demandais une opération chirurgicale. Je suis allé au bloc opératoire et sur le chemin, dans l’ascenseur, alors que j’étais allongée sur le brancard, la gravité, l’effet de levier avec l’ascenseur, je ne sais pas, le bout de viande est passé par lui-même. Moi je l’ai tout de suite senti car je pouvais à nouveau respirer et j’en ai parlé au médecin. Je lui dis « Oh ! Le morceau de viande est passé. » Les portes se sont ouvertes et les médecins m’ont demandé si j’étais sûre. J’ai répondu que oui et je n’ai pas eu besoin d’aller au bloc opératoire. C’était la seule fois.
Yes. It comes from what I was telling you earlier when I was choking because my esophagus was too small and I had to go to the hospital. I must have been 8/9 years old. There, the piece of meat was stuck and too deep in to be removed manually. I needed to have a probe to get it out, which required a surgical operation. I went to the operating room and on the way, in the elevator, while I was lying on the gurney, gravity, the leverage with the elevator, I don't know, the piece of meat went through by itself. I felt it right away because I could breathe again and I told the doctor. I said, "Oh, the piece of meat went through. » The doors opened and the doctors asked me if I was sure. I said yes and I didn't have to go to the operating room. That was the only time.
T.O. : Quand tu vois tes cicatrices aujourd’hui, qu’est-ce que ça veut dire pour toi ?
When you see your scars today, what do they mean to you?
Marion : La vérité c’est que je ne les vois pas. Elles ont toujours été là. Je n’y fais pas attention. Quand je me lave, quand je me balade, pour moi elles ne sont pas là. C’est plus quand on me pose des questions que je les vois. Ou quand je m’habille car ça me fait des plis, des creux. Je mets des vêtements qui font qu’elles ressortent le moins possible. J’essaie de faire attention. C’est là que je les vois mais sinon ce n’est pas quelque chose qui me hante. L’autre chose c’est que quand j’ai des rapports sexuels il y a toujours ce moment où il faut enlever ses vêtements (rires) et quand on est dans l’action je n’y pense pas. Pour moi, les cicatrices c’est comme un défaut : tant qu’on les assume, on ne les donne pas à voir ; c’est parce que nous on les voit que les autres les voient aussi. C’est ma façon de voir.
The truth is, I don't see them. They've always been there. I don't pay attention to them. When I'm washing, when I'm walking around, they're not there for me. It's more when I'm asked questions that I see them. Or when I get dressed because it makes folds, cavities. I wear clothes that make them stand out as little as possible. I try to be careful. That's when I see them but otherwise it's not something that haunts me. The other thing is that when I'm having sex there's always that moment when you have to take your clothes off (laughs) and when I'm in the action I don't think about it. For me, scars are like a defect: as long as we assume them, we don't show them; it's because we see them that others see them too. This is my way of seeing.
Mais ce qui est intéressant c’est que par rapport à l’autre, certains garçons m’en parlent très vite, d’autres les voient mais ne me posent pas de questions et d’autres qui mettent des mois à les voir. D’ailleurs mon copain actuel a mis cinq mois à les voir. Je ne sais pas pourquoi.
But what's interesting is that in comparison to each other, some boys tell me about them very quickly, others see them but don't ask me any questions and others take months to see them. In fact, my current boyfriend took five months to see them. I don't know why.
T.O. : Quand tu vois des cicatrices chez les autres, qu’est-ce que ça t’évoque ?
When you see scars on others, what does it mean to you?
Marion : Quand j’ai décidé de participer à ton projet j’en ai parlé à une amie qui m’a dit que ses cicatrices à elle n’avaient pas une histoire intéressante. Je lui ai demandé où elle avait des cicatrices et c’est là qu’elle m’a montré sa lèvre. Je n’avais jamais vu sa cicatrice. Elle m’explique qu’elle s’est faite mordre par un chien à huit ans. Je pensais que ça faisait simplement partie d’elle, comme un grain de beauté. À l’inverse, j’avais une camarade de classe quand j’étais au lycée qui avait exactement la même cicatrice que moi. J’ai pu le voir car elle était en maillot de bain deux pièces. Je me souviens d’avoir pensé « Quel courage de la montrer ». Je ne l’aurais pas fait et ne l’ai toujours pas fait. Après, j’ai des formes et elle était très longiligne, mince, donc ça se voyait peu bien qu’elle partait du nombril et remontait à sa poitrine.
Pour moi c’est comme un grain de beauté, un nez, la couleur des yeux. Ça fait partie de toi.
When I decided to participate in your project I talked to a friend of mine who told me that her scars didn't have an interesting history. I asked her where she had scars and that's when she showed me her lip. I had never seen her scar. She explained that she had been bitten by a dog when she was eight years old. I thought it was just part of her, like a mole. Conversely, I had a classmate when I was in high school who had the exact same scar as me. I could see it because she was in a two-piece bathing suit. I remember thinking, "How brave of her to show it". I wouldn't have and still don't. Then, I'm curvy and she was very slender, so it wasn't very noticeable although it went from her belly button up to her chest.
For me it's like a mole, a nose, the color of your eyes. It's a part of you.