Thibaut Octave : Bonjour ! Comment t’appelles-tu ?
Hi! What’s your name?
Tabatha : Je m’appelle Tabatha.
My name is Tabatha.
T.O. : Est-ce que tu peux me raconter l’histoire de tes cicatrices ?
Can you tell me the story of your scars?
Tabatha : Quand j’avais 11 ans à peu près je faisais des compétitions de surf en Amérique du Sud et en Amérique Centrale. J’avais déjà fait plusieurs chutes et mes parents m’avaient interdit de continuer. Je suis allée sur une plage pour faire du surf, une plage qui était censée être une plage safe où il n’y avait pas de tubes donc j’étais hyper tranquille et peut-être moins vigilante que d’habitude. J’étais en train de surfer tranquillement et tout d’un coup en revenant alors que j’avais pris une vague qui était assez petite, je vois un mur d’eau devant moi et que je suis censée être face à la plage. Ce n’est absolument pas normal. Un tube s’est formé, ce qui était très, très, très exceptionnel sur cette plage. Je n’ai donc pas du tout fait attention, je regardais derrière moi et la vague m’a prise en tapant à l’arrière de ma tête un peu comme quand tu te fais écraser par une voiture.
When I was about 11 years old I was doing surf competitions in South and Central America. I had already had several falls and my parents forbade me to continue. I went to a beach to go surfing, a beach that was supposed to be a safe beach where there were no tubes so I was very quiet and maybe less vigilant than usual. I was surfing peacefully and all of a sudden when I came back as I had caught a wave that was quite small, I see a wall of water in front of me while I'm supposed to be facing the beach. This is absolutely not normal. A tube formed, which was very, very, very exceptional on this beach. So I didn't pay any attention at all, I was looking behind me and the wave caught me and hit me in the back of the head, a bit like when you get run over by a car.
Elle m’a amené vers le bas. Ma tête a frotté sur tout le fond de la mer et mon coude a tapé sur la planche qui s’est cassée en deux et mon coude aussi. On m’a aidé à sortir de là et quand je suis arrivée sur la plage on pensait que j’étais potentiellement morte, sauf que non mais j’ai vu ma mère s’évanouir. J’étais couverte de sang et surtout j’avais mon coude exposé en fait. Il y avait les deux morceaux qui sortaient comme ça. Ça a été assez compliqué comme blessure car comme le coude est une articulation dans lequel il y a un petit bout d’os qui permet au coude de bouger. Sauf que moi j’ai perdu ce petit bout d’os dans la mer.
It brought me down. My head rubbed all over the bottom of the sea and my elbow hit the board which broke in two and my elbow too. People helped me out of there and when I got to the beach they thought I was potentially dead, except I wasn't but I saw my mum fainting. I was covered in blood and most importantly I had my elbow exposed. There were two pieces that came out like this. It was quite complicated as an injury as the elbow is a joint where there is a small piece of bone that allows the elbow to move. Except that I lost this little piece of bone in the sea.
Maintenant ça va et j’ai une jolie cicatrice. Elle est un peu vieille donc on ne la voit pas trop. Et ce petit bout d’os et bien désormais c’est du plastique. À 21 ans je devais me faire opérer pour me faire remplacer tout le coude et je ne l’ai pas encore fait. J’en ai 27 ! (rires) C’est un accident bête. Ça c’est l’histoire du coude.
Now I'm fine and I have a nice scar. It's a little old so you don't see it too much. And this little piece of bone, well now it's plastic. When I was 21 I had to have an operation to have my whole elbow replaced and I haven't done it yet. I'm 26! (laughs) It was a stupid accident. That's the story of the elbow.
T.O. : Et l’autre histoire ?
What about the other story?
Tabatha : Alors j’ai une deuxième cicatrice qui elle me complexe vachement plus et qui est une histoire plus de santé. Encore une fois j’étais au Mexique. En fait, là-bas ils sont pas très forts en médecine. Tu peux acheter ton diplôme de médecin mais ça on l’a découvert un peu tard. Un jour, j’ai eu très, très mal au dos. Ça a duré trois jours. Je n’aime pas les médecins et si je peux éviter de les voir je le fais. Sauf que ce n’était pas un mal de dos classique. Ma mère m’a vu très pâle, ne pas dormir, souffrir et a fini par me forcer à aller à l’hôpital. Là-bas ils m’ont fait des tests et ils ont vu que ma créatine était through the roof et ça c’est pas normal, ça veut dire que tes reins ont arrêté de fonctionner. Ils m’ont donc fait une opération des reins par célioscopie, ce qui est super chelou. Ils m’ont donné une tonne de corticostéroïdes. J’ai été pendant trois ans sous médicaments tellement la dose qu’ils m’avaient donné était forte. Donc ils ont diminué petit à petit mais ça a fait plein d’effets secondaires chelous et chiants. C’est une période de ma vie nulle parce que j’ai grossi, je suis devenue poilue comme un singe et quand t’es ado c’est une phase horrible ; je n’avais pause seul bouton et là je me retrouvais avec des plaques de boutons partout. J’ai encore du mal aujourd’hui car j’ai toujours quelques boutons et c’est la faute de ces médicaments là.
So I have a second scar which is harder for me and which is a story about health. Once again I was in Mexico. In fact, there they are not very good at medicine. You can buy your medical degree but we discovered that a little late. One day I had a very, very bad back pain. It lasted three days. I don't like doctors and if I can avoid seeing them I do. Except it wasn't a classic back pain. My mother saw me very pale, not sleeping, suffering and ended up forcing me to go to the hospital. There they tested me and they saw that my creatine was through the roof and that's not normal, it means your kidneys have stopped working. So they did a laparoscopic kidney operation on me, which is super weird. They gave me a ton of corticosteroids. I was on medication for three years because the dose they gave me was too strong. So they gradually decreased it but it had all sorts of weird and annoying side effects. It's a lousy time in my life because I got fat, I became hairy as a monkey and when you're a teenager it's a horrible phase; I only had one pimple and then I was left with pimples everywhere. I'm still struggling today because I still have a few pimples and it's all the fault of these medicines.
Et ces cicatrices-là c’est un peu un résumé de cette histoire. Plus le fait que 15 jours après, j’étais sous corticostéroïdes ce qui fait que tu cicatrises moins bien. Ils n’auraient jamais dû enlever les points aussi tôt. Ils ont donc enlevé les points après 15 jours et il y en a un qui s’est ouvert ! On voyait tout dedans ! J’ai mis une demi-journée à me décider à le dire à ma mère en me tenant le ventre en demandant si je devais lui dire. Et quand je lui ai dit on a appelé l’assurance qui nous a rapatrié en France et ensuite j’ai pu continuer mon traitement en France et c’est là qu’ils m’ont dit que ce n’était pas normal ce qu’ils avaient fait au Mexique. Et donc j’ai trois cicatrices sur mon ventre. Celle qui a explosé se voit beaucoup ; j’en ai une autre toute petite au niveau du nombril et une autre qui ne se voit vraiment pas et qui est ce que devrait être celle qui est grosse. En fait, elle a cicatrisé de l’intérieur. Ils ont mis un tissu pour aspirer le pus et le liquide pour que ça sèche et que ça puisse cicatriser.
And these scars are a bit of a summary of this story. More the fact that 15 days later I was on corticosteroids which makes you heal less well. They should never have removed the stitches so early. But they removed the stitches after 15 days and one opened up! You could see everything in it! It took me half a day to make up my mind to tell my mum by holding my stomach and asking if I should tell her. And when I told her we called the insurance company who repatriated us to France and then I was able to continue my treatment in France and that's when they told me it wasn't normal what they had done in Mexico. And so I have three scars on my belly. The one that exploded is very noticeable; I have another very small one at the navel and another one that really doesn't show and that's what the big one should be. It has actually healed from the inside. They put a cloth in to suck out the pus and liquid so that it dries and it can heal.
Ça a duré énormément de temps. Moi qui adore l’eau je n’ai pas pu y aller pendant presque six mois et ça m’a complexé beaucoup. Déjà que c’est une zone qui peut te complexer parce que tu peux prendre du poids ou des trucs comme ça. Je pense qu’il n’y a que très récemment que j’ai commencé à mettre des bikinis. J’ai 27 ans aujourd’hui. Ça m’a pris 10 ans car avant je mettais des maillots une pièce pour qu’on ne voit pas ces cicatrices.
It lasted an enormous amount of time. I love water and I couldn't go for almost six months and it made me feel very bad about myself. It's already an area that can make you feel bad because you can gain weight or things like that. I think it's only very recently that I started wearing bikinis. I am 27 years old today. It took me 10 years because before I used to wear one-piece swimwear so you wouldn't see those scars.
Ce qui m’a aidé également c’est quand ma mère m’a emmené voir un dermato car elle voyait que j’étais très complexée. Comme on peut faire réduire la taille des cicatrices, elle a pensé que ça serait une bonne idée. Et puis le dermato m’a dit « Non, non. Garde-la c’est un repousse couillons. Si jamais tu es avec un mec et qu’il dit que c’est dégueu tu sauras que c’est un connard. » (rires) En vrai, je pense que la seule personne que ça embêtait c’était moi. Personne ne la remarque en fait. Certaines personnes pensent que c’est une tâche de naissance ou un truc comme ça. Aujourd’hui je vis mieux avec mais je la montre toujours très rarement. Elle est plus petite que celle de mon coude mais elle me complexe plus.
What also helped me was when my mother took me to see a dermatologist because she saw that I was feeling really bad. As scars can be reduced in size she thought it would be a good idea. And then the dermatologist said, "No, no. You can keep it, it's a dick repellent. If you're ever with a guy and he says it's disgusting you'll know he's an asshole." (laughs) I think the only person it bothered was me. Nobody actually notices it. Some people think it's a birthmark or something like that. Today I live better with it but I still very rarely show it. It's smaller than the one on my elbow but it makes me more ill-at-ease.
Du coup, c’est pour ça que je pense que l’histoire des cicatrices est importante dans l’acceptation de la cicatrice en elle-même. Si son histoire est un peu plus lourde, forcément elle te fait un peu plus chier que si c’est un truc un peu moins compliqué. Et l’endroit aussi compte ; si j’en avais une de la même taille que celle de mon ventre sur le visage je pense que je serais beaucoup plus complexée que sur le coude.
So that's why I think the history of scars is important in the acceptance of the scar itself. If its story is a bit heavier, it's bound to piss you off a bit more than if it's something a bit less complicated. And the place also counts; if I had one the same size as my belly on my face I think it'd be a lot more complicated than on my elbow.
T.O. : Comment est-ce que tu te sens aujourd’hui que tu vois cette cicatrice ?
How do you feel today when you see this scar?
Tabatha : Celle du coude je n’y pense même plus. Je fais pas mal de vidéos en ce moment dans lesquelles on voit beaucoup mes mains et il arrive parfois que l’on voit celle du coude et que je m’étonne de sa taille. Ça permet de raconter une histoire et les retiennent plus le côté « T’as fait du surf quand t’étais gamine » que « Tu t’es explosée le coude » dont ils se fichent complètement. Elle ne se voit plus beaucoup car elle a pris la couleur de la peau. Je l’aime bien en plus. Elle a grandi avec moi.
I don't even think about the one on my elbow anymore. I'm making a lot of videos at the moment in which you can see a lot of my hands and sometimes you can see the scar on the elbow and I'm surprised at its size. It allows me to tell a story and people don't really care about the "You surfed when you were a kid" or "You blew your elbow off" side of it. It’s not super visible anymore because it has taken on the colour of the skin. I like it too. It grew up with me.
Ma petite soeur n’arrivait pas à dormir pendant une période. Pour y arriver elle venait dormir avec moi et elle voulait toujours le coude cassé. Je ne sais pas pourquoi mais elle avait une affection pour ce coude-là. Et à chaque fois qu’elle était de l’autre côté elle me disait « Non celui-là c’est le coude normal je l’aime pas. Je veux le coude cassé ! ». Et je pense que ça m’a aidé à l’accepter. Elle adore toucher et prendre mon coude. Même là grande quand on fait un câlin elle aime bien le tripoter. Mon coude est devenu une balle anti-stress (rires). Et parce qu’elle l’aime bien, je l’aime bien.
My little sister couldn't sleep for a while. To fall asleep she would come and sleep with me and she always wanted to be at the side of the broken elbow. I don't know why, but she had an affection for that elbow. And every time she was on the other side she would say to me "No, this is the normal elbow I don't like it". I want the broken elbow!". . And I think that helped me to accept it. She loves to touch an hold my elbow. Even when we cuddle she likes to touch it. My elbow has become a stress ball (laughs). And because she likes it, I like it.
Celle sur le ventre c’est différent. Je pense que c’est dû à cette zone-là et à toute l’histoire médicale autour. Je ne l’accepte toujours pas trop mais elle ne m’embête plus tant que ça. Quand je vais à la plage, je veux juste mettre de la crème solaire dessus pour ne pas qu’elle marque encore plus. Même dans mon couple c’est moi qui aie dû l’aborder en mode « Tu penses quoi de la cicatrice ? » et il s’en fout.
The one on the belly is different. I think it's because of that area and all the medical history around it. I still don't accept it too much but it doesn't bother me that much anymore. When I go to the beach I just want to put some sun cream on it so it doesn't smear any more. Even in my relationship, it was me who had to bring it up in a "What do you think of the scar?" kind of way and he doesn't care.
Quand on a parlé de ce projet je me disais que j’allais parler de celle sur le coude mais celle sur mon ventre me gênait. Et puis finalement, je me suis dit que j’allais t’en parler pour que tu aies le choix.
When we talked about this project I told myself that I was going to speak about the one on my elbow but the one on my stomach bothered me. And then finally, I told myself that I was going to talk to you about it so that you would have the choice.
T.O. : Et qu’est-ce que tu ressens par rapport aux cicatrices des autres ?
And how do you feel about other people's scars?
Tabatha : C’est marrant parce que depuis que je les ai je suis vachement plus intriguée par les histoires des cicatrices des autres. À chaque fois quelle vois une marque je demande à la personne si ça la dérange si je lui demande « Qu’est-ce qui t’est arrivée ? Est-ce que t’as eu des opérations ? Est-ce que t’as été sous anesthésie générale ? » des trucs à la con mais j’aime bien les cicatrices.
It's funny because since I have them I am much more intrigued by the stories of other people's scars. Every time I see a mark I ask the person if it bothers them if I ask "What happened to you? Did you have any operations? Have you been under general anaesthesia?" It's a stupid thing to do, but I like scars.
Je suis toujours intriguée car je sais qu’il y a des histoires derrière. Surtout celles que l’on remarque. Et c’est un des premiers trucs que je demande chez tout le monde. Genre, mon copain en a une sur le menton et je crois que c’est un des premiers trucs que je lui ai demandés. Les cicatrices m’intriguent beaucoup désormais ! (rires) Et je ne pense pas que ça m’aurait intrigué autant si je n’en avais pas eues moi-même.
I am always intrigued because I know there are stories behind it. Especially the ones you notice. And that's one of the first things I ask everyone. Like, my boyfriend has one on his chin and I think it was one of the first things I asked him. Scars intrigue me a lot now! (laughs) And I don't think I would have been so intrigued if I hadn't had some myself.